Chers amis, collègues, parents, connaissances,
Je vous avais informé de ce projet ambitieux que nous avons monté avec quelques camarades : courir les 5 marathons annuels organisés par les 5 villes de nos 5 campus ESCP-EAP : Paris, Madrid, Berlin, Londres, Turin. Le but est de réaliser un défi sportif (plus de 210 km parcourus en 4 ans) mais aussi un défi humain : collecter des fonds pour le Syndrome de Williams-Beuren, maladie génétique orpheline.
Certains d’entre vous ont donné, “pariant” sur moi, et sur mon temps au Marathon de Madrid. Je me devais donc de vous donner le compte-rendu de ma course de dimanche dernier, dont je me remets bien (malgré 20 heures de cours en 3 jours…)

Nous craignions la pluie, c’est sous un grand soleil que nous sommes partis : parmi les 15 coureurs, la plupart avait pris position vers le devant du peloton, et je m’étais collé à Jorge, mon partenaire de course, comme une bernacle à son rocher : c’est lui qui m’avait encouragé sur Paris-Versailles il y a quelques années, et dimanche, c’était son premier marathon.

Il faisait très beau, nous sommes partis vers le nord, sommes passés devant le Stade de football, puis entre les deux tours penchées du centre des affaires. Le Marathon commençait par une montée durant 5 km, mais nous l’avons à peine sentie, c’était plutôt un faux plat. J’étais blindé de partout : cardio-fréquencemètre au poignet, podomètre et puce électronique au pied, 5 gels au glucose coincés dans mon short, et l’équivalent de 3 à 4 kg de pâtes (sucres lents) dans le corps.

Il faisait de plus en plus chaud, et le soleil tapait, mais nous avons maintenu une bonne allure : je visais 4h40 sur l’épreuve, et nous avons passé la moitié (21,1) au bout de 2h03, malgré de nombreuses côtés “casse-pattes”. Notamment, nous avons été acclamés par nos pom-pom girls and boys, fans qui nous avaient accompagnés à Madrid et qui, basés sur le bord de la route, nous ont acclamé de leurs piaulements roboratifs.

Puis nous avons abordé la deuxième moitié du marathon, qui était réputée être plus dure, et ça a été l’enfer. Une succession de côtes et de descentes (les côtes sont épuisantes, les descentes font mal à chaque choc des pieds), un soleil implacable, et l’impression que les kilomètres s’étirent. Malgré une consommation de tous mes gels (Km 15, 20, 25, 30, 35), et une hydratation régulière (il y avait un stand tous les 3 km, mais ils étaient répartis de manière souvent aléatoire !), j’ai vu mes performances chuter dès le Km 23 : c’était le fameux “mur”, que je connais bien, où le problème n’est pas l’essoufflement, ni le coeur (les deux allaient bien, merci), mais les jambes, qui étaient fatiguées, contractées, et qui ne pouvaient plus maintenir la même vitesse. Plus de jus, quoi. Jorge, qui maintenait parfaitement son allure, m’a régulièrement encouragé, jusqu’à ce que je le convainque de poursuivre à son rythme. Ce qu’il a parfaitement fait, puisqu’il a terminé en 4h13. Quant à moi, j’ai essayé de survivre. Heureusement, l’équipe des supporters de choc avait fait le voyage vers un autre point du parcours, et m’a hurlé des encouragements, que mon cerveau cuit commençait à ne plus comprendre.

Sur les 15 derniers kilomètres, il y a dû y avoir moins de 2 km plats, le reste était, soit en côte, soit en descente. J’étais vidé : il m’avait fallu 2h03 pour parcourir la première moitié, et j’ai mis presque 2h45 pour la seconde moitié. Depuis le km 26, je trottinais comme un hamster blessé, guettant pendant longtemps le prochain panneau kilométrique : “ah, je le vois là-bas, le km 27, allez, courage, plus que 15 (15 ! misère…), bon sang que c’est long…” Pendant toute cette fournaise, des spectateurs, nombreux, encourageaient les coureurs, même les plus lents, même les hamsters blessés. “Animo ! Venga, venga ! Campeones !” (courage, vas-y, vous êtes des champions !) A chaque fois que je leur souriais, que je leur faisais un petit signe de remerciement, ça me faisait du bien à moi.

Après une ultime côte de quelques km (au km 38 !), j’ai enfin vu au loin le Parque del Buen Retiro. C’est le moment où le fou se met à sprinter, et où l’homme sage (ou trop épuisé pour penser) continue à son rythme : dans le parc, on voyait un portail gonflable au loin, puis un autre derrière, un autre encore plus loin… Bref, la ligne d’arrivée n’était pas si proche que ça, il y avait encore quelques bonnes centaines de mètres. Qui m’ont paru une éternité, bien sûr.
Bonne surprise, juste après la ligne d’arrivée, je retrouvai Christian, un autre coureur aux pieds ailés qui avait eu le temps de se faire masser, ondoyer, pouponner, et qui m’a aidé à retrouver mes esprits un peu tourneboulés.

A l’heure du débriefing, j’ai quelques idées :

  • je veux remercier tous ceux qui m’ont soutenu dans ce défi, par leurs dons, leurs messages d’encouragements, leurs SMS, leurs pensées
  • j’ai énormément apprécié ce week-end, où, entre coureurs animés par le feu sacré, nous avons trouvé le temps de rigoler et de se soutenir. Au delà de l’opération humanitaire, c’est une opération humaine.
  • je veux dire à tous que je m’alignerai pour le Marathon de Berlin, le 30 septembre, et que je vous recontacterai tous pour que vous pariiez sur moi (c’est-à-dire, que vous donniez pour ce syndrome, je ne touche rien, moi 😉 )
  • je n’ai pas atteint mon objectif de temps, donc conformément aux règles du pari, je vais payer un supplément de don.

Amicalement à tous,
Chr.